UNITAID s’inquiète pour l’avenir de l’accès aux medicaments après l’accord de Libre-Échange UE-Inde

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Aujourd’hui dix millions de personnes ont besoin d’un traitement contre le SIDA.

Alors que des manifestations de la société civile sont prévues cette semaine comme la semaine prochaine dans le monde, UNITAID souligne son inquiétude au sujet des négociations commerciales en cours entre l’Union européenne et l’Inde qui pourraient limiter la capacité de l’Inde à continuer à fournir des traitements vitaux aux pays en développement.

Les indications selon lesquelles les négociations pourraient conduire à l’introduction de mesures – telles que l’exclusivité des données – allant au-delà de l’Accord sur les ADPIC et désignées sous l’appellation de dispositions « ADPIC-Plus » sont particulièrement préoccupantes.

« Des négociations sur les automobiles, les machines ou d’autres marchandises sont sans doute une bonne chose », a déclaré Philippe Douste-Blazy, Président du Conseil d’administration d’UNITAID. « Mais les médicaments vitaux ne sont pas des marchandises comme les autres. Nous devons favoriser un environnement politique qui permette de garantir que les intérêts commerciaux ne sont pas un obstacle à la santé et au développement humain. »

Selon les estimations de l’ONUSIDA, ce sont 10 millions de personnes qui ont besoin d’un traitement contre le sida aujourd’hui et qui ne peuvent y avoir accès, et ce chiffre va croître de manière exponentielle. Ces personnes auront besoin de médicaments plus récents, plus efficaces, protégés par des brevets dont la durée de validité peut être d’encore 15 à 20 ans. Même pour les médicaments non protégés par un brevet, l’introduction de « l’exclusivité des données » signifiera que les producteurs de génériques ne seront pas en mesure d’accéder aux informations essentielles concernant l’homologation et les essais cliniques aussi longtemps que l’exclusivité des données sera applicable.

« Si l’accord de libre-échange introduit des mesures allant au-delà de l’Accord sur les ADPIC, bon nombre des personnes qui suivent un traitement aujourd’hui ne seront pas en mesure de bénéficier du traitement de deuxième intention qui leur sera vital lorsqu’elles développeront une résistance aux médicaments qu’elles prennent aujourd’hui », déclare Jorge Bermudez, Secrétaire exécutif d’UNITAID.

On a parlé, à propos de l’Inde, de la pharmacie du monde en développement parce que depuis plus de 10 ans, elle fournit des médicaments à des prix abordables aux pays en développement, en particulier pour le traitement du sida. Selon une étude dirigée par Brenda Waning, Coordonnateur d’UNITAID chargée de la dynamique des marchés – A lifeline to treatment: the role of indian generic manufacturers in supplying antiretroviral medicines to developing countries – les antirétroviraux génériques fabriqués en Inde ont représenté plus de 80 % du marché financé par des donateurs dans les pays en développement depuis 2006 et 87 % des volumes d’achat d’antirétroviraux en 2008. Dans le domaine des médicaments pédiatriques pour lutter contre le sida, les produits génériques fabriqués en Inde ont représenté 91 % du volume total des médicaments en 2008.

Aujourd’hui déjà, alors que l’ALE UE-Inde n’est pas encore entré en vigueur, des préoccupations existent quant au prix des nouveaux schémas thérapeutiques de première intention recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé.
Dès 2008, le prix moyen au niveau mondial des génériques indiens pour les schémas thérapeutiques à base de ténofovir nouvellement recommandés s’élevait entre 246 et 309 dollars par personne et par an, soit un prix trois à quatre fois plus élevé que celui de l’ancien schéma thérapeutique le plus fréquemment utilisé (3TC/NVP/d4T30).

Cependant, les schémas thérapeutiques équivalents composés de génériques non fabriqués en Inde et des nouveaux ARV sont considérablement plus coûteux que les médicaments génériques indiens.

« Traiter et endiguer le sida et d’autres maladies qui ravagent le monde en développement est un enjeu mondial », a ajouté Philippe Douste-Blazy. « L’Inde et l’Union européenne doivent se montrer responsables et veiller à un équilibre entre la création de richesses et les vies à sauver. »

UNITAID utilise un financement novateur (venant essentiellement d’une taxe de solidarité prélevée sur les billets d’avion dans un certain nombre de pays donateurs) pour acheter et distribuer des médicaments et autres produits de santé afin de dépister et traiter le sida, la tuberculose et le paludisme dans 94 pays en développement.

La grande majorité des médicaments achetés grâce aux fonds d’UNITAID sont des produits génériques indiens. La qualité de ces produits est garantie (ils sont présélectionnés par l’OMS ou par d’autres autorités de réglementation rigoureuses) et, parce qu’ils sont produits de manière générique, ils sont moins coûteux, permettant ainsi à UNITAID de traiter davantage de personnes pour les mêmes dépenses.

UNITAID a encouragé avec succès l’émergence d’un marché des médicaments génériques concurrentiel pour les médicaments antirétroviraux de deuxième intention tels que le lopinavir/ritonavir. Grâce à l’intervention d’UNITAID, ce composant crucial des schémas thérapeutiques de deuxième intention est désormais fourni par cinq fabricants de génériques au prix concurrentiel de 420 à 440 dollars par personne et par an. Le risque de voir ces progrès balayés est grand si des dispositions strictes relatives à l’exclusivité des données sont appliquées par l’intermédiaire de cet accord de libre-échange.

http://www.unitaid.eu/fr/resources/news/320-unitaid-concerned-over-future-of-medicines-access-after-eu-india-fta.html